Ruteng & le Pays Menggarai
Selamat pagi,
Après avoir quitté Labuanbajo, nous voilà donc maintenant à Runteng au cœur du pays Manggarai. Il nous a fallu 4 heures de route pour venir jusqu’ici. Pour vous, ces mots vont peut-être devenir lassants, mais bon, les paysages étaient une nouvelle fois grandioses. Des collines verdoyantes, des volcans aux pentes luxuriantes et des rizières, encore des rizières, toujours des rizières…. Sur la route, nous avons fait une petite halte à Cara pour en voir quelques unes de plus mais celles-ci ont la particularité d’être dessinées en toile d’araignée, c’est unique en Indonésie. Si on a bien compris la chose, chaque parcelle en rayon, ou on va dire chaque part de camembert (ça parlera plus aux bons français que nous sommes) appartient à une famille. Au décès du propriétaire, cette portion de rizière sera léguée à son descendant, ce qui fait que ça reste en famille depuis des générations et des générations. L’endroit est magnifique et ces plantations de riz originales dégagent vraiment quelque chose de poétique. Depuis 7 mois que nous sommes en Asie du Sud-Est, ce sont les premières que nous voyons de la sorte. Vue du ciel, le photographe Yann Arthus Bertrand se régalerait à les immortaliser, c’est une certitude, d’autant plus que le paysage aux alentours est superbe.
Arrivés à Ruteng, nous sommes allés visiter le petit village de Compang Ruteng à 3 km de cette ville de presque 40 000 habitants.
Le compang est un autel traditionnel, voué au culte des ancêtres, constitué d’une plate-forme funéraire de pierre. Dans le village, on peut aussi voir deux rumah adat rénovées. Ces habitats traditionnels ont la forme des cases mélanésiennes et sont surmontés d’une petite sculpture représentant un visage (peut-être celui d’un ancêtre) entouré de cornes de buffles.
Là encore, de belles ambiances avec toute cette vie autour de cette plate-forme funéraire. Les enfants courent, crient, jouent au football et les mamans regardent ce cirque d’un œil rieur, le dernier rejeton posé sur leur ventre, ou dans le dos, et enveloppé dans des tissus. De belles scènes de vie dépaysantes comme on aime en voir…
Après ça, nous sommes retournés sur Ruteng pour aller faire quelques achats de fruits et légumes au pasar (marché) de la ville. L’endroit est grouillant de vie. Le bahasa indonesia (la langue du pays) sonne comme une douce chanson, les étals soigneusement rangés sont autant de jolies peintures de nature morte, les odeurs de poissons séchés/salés nous montent au nez, les cacahuètes non grillées excitent nos papilles et nos pieds dans leurs claquettes sentent sur eux se déposer la crasse environnante. Tous nos sens sont stimulés…
Enfin, comme vous avez aimé le petit chapitre anthropologie de la dernière fois (cf. l’article Java, où l’on évoquait « l’homme de Java »), en voilà un second.
Les Manggarai ont longtemps parlé dans leur légende d’ebo gogo, de petits êtres poilus au front plat qui parcouraient jadis la jungle, sans que personne n’y prête vraiment attention, jusqu’à un jour de septembre 2003 où les archéologues firent une découverte stupéfiante.
En creusant le calcaire à Liang Bua, ils mirent au jour un squelette dont la taille était celle d’un enfant de 3 ans mais dont l’usure des dents et la structure des os étaient celle d’un adulte. Six autres semblèrent confirmés que l’équipe avait découvert une nouvelle espèce d’humains, Homo floresiensis. Hauts d’environ un mètre, ils reçurent le surnom de « hobbits » (fans de J.R. Tolkien, bonjour…).
Nouvelle surprise avec les tests effectués en laboratoire, l’hominidé à forte mâchoire et à l’allure dégingandée d’un chimpanzé aurait vécu jusqu’il y a à peine 12 000 ans (autant dire hier en termes d’évolution) époque à laquelle un cataclysme d’origine volcanique aurait anéanti le petit peuple en dévastant l’île de Flores.
Homo floresiensis pourrait représenter le tout premier exemple de nanisme humain. Le nanisme est un phénomène bien documenté dans le domaine de l’évolution animale, particulièrement sur les îles. A Jersey, l’une des îles anglo-normandes, le cerf rouge est passé en 6 000 ans à un sixième de sa taille normale sur le continent européen. De même, des mammouths nains ont peuplés un temps les îles Channel de Californie. Flores connait bien ces caprices de l’évolution. Elle a connu des miniélephants, appelés « stégodons », mais aussi des exemples de gigantismes, comme des rats énormes et les varans de Komodo.
Tous les scientifiques ne sont pas du même avis sur les origines de la découverte faite à Flores. Une majorité d’entre eux pensent que les hominidés de Flores sont des descendants d’Homo erectus, espèce qui a fui l’Afrique il y a environ 2 millions d’années pour se répandre à travers toute l’Asie mais pour l’instant aucun ADN n’a été trouvé qui permette de confirmé cette hypothèse. Il y a encore peu, on pensait que l’arrivée d’Homo sapiens en Asie avait mené à la disparition d’Homo erectus il y a environ 50 000 ans. Les « hobbits » retrouvés à Flores pourraient indiquer que l’espèce à survécu en certains endroits. D’autres suggèrent qu’il pourrait s’agir de représentants d’Homo sapiens (dont on a établi des migrations entre l’Australie et la Nouvelle-Guinée il y a 35 000 ans) souffrant de micro-encéphalie, problème neurologique héréditaire provoquant un arrêt de la croissance de la tête et, souvent le nanisme. Cependant la théorie originale semble avoir le vent en poupe, car on a découvert en 2005 une mâchoire présentant à peu prés les mêmes dimensions que celle trouvée en 2003.
En outre, des outils très proches de ceux mis au jour à Liang Bua auraient été trouvés à Timor et peut être aussi à Sulawesi, ce qui laisserait supposer que d’autres petits hommes sont encore dissimulés dans les coulisses de l’évolution.
Intéressant, non ?
Allez, on vous laisse car demain il faut qu’on soit en forme pour affronter les km qui devraient nous mener jusqu’ à Bajawa, terre des Ngada.
Salut la communauté…